3.8.11

UN PEU DE TOUT EN PARTANT DE TROIS FOIS RIEN

Si je fais le bilan des films d'une bonne première moitié de l'année, je dirais que non seulement c'est inquiétant, mais que c'est quasi catastrophique. Et cela personne ne semble s'en rendre compte. Sûr je n'ai pas vu trois films dont tout le monde a parlé : Tree of life, Pater et Melancholia. Pour Tree of life, c'est rapé ; il ne passe plus qu'à des heures indues au diable-vauvert. Pour Pater, c'est encore jouable. Et Melancholia, je me tâte (bof). En dehors de ça, je ne vois pas quels sont les films qui ont fait l'unanimité que j'aurais trouvés irréfutables et essentiels, ou bien que j'aurais eu absolument envie de voir. Parmi les autres que j'ai loupés, il y a l'Iranien Une séparation. Je ne sais pas, j'avais déjà vu un film de Farhadi (La Fête du feu). Pas mal en soi, mais pas exactement ce que j'ai envie de voir (trop dialectique, je le crains). Parmi ceux que j'ai vus il y a Super 8, que je trouve "sympa", mais très oubliable. Bon, j'ai toujours un petit cheptel de petits films bancals et secrets comme je les aime, mais je ne sens pas la grande cuvée cette année.
Après, il y a une chose qui m'hérisse, c'est cette dictature des gros films, qui n'est certes pas pire que celle des films nobles et politiquement corrects. Il y a ceux que tout le monde a vus ou doit avoir vus, en raison de leur sujet imposant et vaste (le Malick et le Cavalier par exemple). Mais il y a aussi les blockbusters américains que tout le monde (dans la presse) va voir comme des lemmings et commente, même quand il n'y a rien à commenter. Exemple : le remake de Conan, vu aujourd'hui. No comment. Pourtant, à cette projection il y avait le ban et l'arrière-ban de la critique (masculine). Je ne les comprends pas : ils étaient tous obligés, curieux, ou ils s'attendaient à un chef d'œuvre ? Je crois que c'est simplement par conformisme : il vont voir tous les gros films d'action américains par principe. Après, ça ne les empêche pas de déblatérer sur le film, mais ils l'ont vu. C'est fait. Pendant ce temps, il y en a des plus fragiles et singuliers que personne ne va voir. Il n'y a pas longtemps (avant juillet) j'ai été à une projection de presse où l'on était deux ou trois. C'était évidemment un meilleur film que toutes les grosses machines hollywoodiennes du moment. Il me semble aussi qu'à la projection du documentaire mexicain Los Herederos on n'était pas nombreux du tout, alors que ça dépasse de mille coudées les produits lourdauds des multiplexes… Je sais, je radote, je fais toujours le même constat. Notre époque est étrange. Non seulement les critiques aiment et vont voir les mêmes films que le grand public (comédies françaises exceptées), mais ils arrivent à écrire des tartines savantes sur ces mêmes films alors que le moindre polar chilien ou drame psychologique chinois ne leur fera pas bouger un cil. Cela en dit long : la communication, la publicité et la production ont gagné. Les produits commerciaux se vendent et attirent plus que jamais, tandis que les œuvres artisanales ou marginales sont impitoyablement dédaignées, considérées implicitement comme ringardes. Le reflet de ceci se retrouve tel quel dans la société, sa structure et son fonctionnement : les riches sont toujours plus riches (évidemment puisque les pauvres donnent toujours leur argent aux mêmes), et les pauvres plus pauvres. A la limite, les pauvres tueraient pour avoir l'air de riches. J'ai lu il n'y a pas longtemps sur un blog, le récit du vol de son iPhone dans le métro par le blogueur (un designer), puis le récit du vol de son deuxième iPhone, un mois après. Mais à quoi sert un iPhone ? Je n'ai pas encore compris. A surfer sur Internet quand on n'est pas chez soi ? Est-ce vraiment obligatoire ? Tout est comme ça et c'est effrayant. Autrefois il y avait la politique, le non alignement, l'espoir d'un changement. Aujourd'hui c'est mort. Les esclaves veulent continuer à être esclaves. Ce que ne savent pas tous ces zombies c'est qu'ils sont en train de creuser leur tombe. La société est prise dans un phénomène d'entropie qui va la détruire.
Toujours plus de iPhones, de machins et de trucs. Toujours plus de production. Toujours moins de travail et une économie à la merci des parieurs boursicoteurs, qui misent même sur les catastrophes économiques pour s'enrichir. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la machine s'emballe à un point maximal. L'ennui c'est que cette fuite en avant s'entretient elle-même au nom de la santé de l'économie. Pour que l'économie aille bien, que les pays ne soient pas dans le rouge, il faut qu'ils produisent et que les gens achètent, de plus en plus. On n'arrête pas le progrès. Mais les gens n'ont pas assez d'argent pour acheter tout ce qu'on veut leur fourguer. Les patrons ne trouvent donc pas assez d'acheteurs et frisent la faillite. Il faudrait qu'ils acceptent de faire moins de profits, moins vouloir à innover à tout prix. On en revient à ce dont je parlais l'autre jour : la frugalité. Mais allez parler de frugalité à des malades du téléphone, du gadget, de la télé, du MP3, de la bagnole, du micro-onde, de la bouffe ludique et inutile, des boissons énergisantes, etc. Que des produits excitants, dont l'excitation même suscite un manque et occasionne une consommation effrénée. J'espère que les riches en profitent au moins pour ne pas vivre comme les pauvres et ne pas se laisser avoir par les gadgets à gogos. Mais j'en doute. Je suppose qu'ils consomment simplement de plus gros gadgets, tout aussi inutiles.
Désolé pour cette logorrhée. J'ai écrit comme ça, au fil de la plume, sans réfléchir, de fil en aiguille. Je n'avais aucunement l'idée de parler de ça au départ. J'espère que ça a un sens…
P.S. Je viens de retrouver une expression de Charles de Gaulle que j'avais notée. En parlant du progrès, dont il fut le grand fer de lance en France, il parlait d'une “ardente obligation”. C'est bien là où le bât blesse. Que le progrès soit une obligation est un piège. On est condamné à progresser faute de quoi on tombe. Mais on ne se demande jamais quelles sont les conséquences de cette marche forcée. Quand on produit on devrait être obligé d'étudier toutes les incidences de sa production, ce qui est quasiment impossible. Ce qu'on ne comprend pas c'est que cette notion de progrès ne repose sur aucune donnée naturelle. On dépasse constamment les contingences rationnelles au nom de ce progrès. Je ne pense pas que la décroissance totale soit possible, mais il faut imaginer un contingentement de la croissance. La nature progresse, les plantes croissent, les animaux se multiplient. Mais ils s'autorégulent. L'ennui avec la société occidentale c'est qu'elle ne s'autorégule pas. Elle ne progresse pas, elle prolifère, au détriment des plus faibles. D'où un déséquilibre constant, et des effets violents. Il faut se mettre très vite à réfléchir à une écologie de la croissance. Pas la "croissance durable", qui ne prend pas en compte tous les dangers qu'elle recèle encore, mais la croissance lente, modérée, régulée et équilibrée.

2 commentaires:

  1. Bonjour monOmbre,

    Depuis assez longtemps, je suis un lecteur régulier de votre blog, que j'apprécie beaucoup, mais je ne sais jamais quoi laisser comme commentaires... pardon, c'est une private joke, qui ne doit amuser que moi!

    Voilà, j'aime bien ce billet, légèrement foutraque, bien à l'image de ce blog! Moi, le radotage, ça ne me gêne pas trop, surtout quand on resasse des choses auxquelles plus personne ne prête attention, tant la machine à décerveler fait bien son boulot! Bien plus qu'une machine, c'est c'est une chaîne, un circuit, assez bien huilé!

    Mais, je ne vais pas pester contre les conglomérats, ni les tripatouilleurs de la pompe à phynance. Non, plus simplement, je voudrais revenir au tout début du billet, au sujet des soi-disants films de l'année!

    - The Tree of life: un gros soufflé qui tombe très vite à plat. Tout juste regardable, supportable dans son ensemble; mais si prétentieux!

    - Pater: démagogie du sujet, et un auteur qui parvient même à se dédire en cours de route! le faux amateurisme, la fausse maladresse, la vraie fausse maîtrise, en somme; à l'arrivée, un vrai film de faux-cul!

    - Melancholia: que de lourdeurs! que de redites! que de mièvrerie! que de grandiloquence! Wagner, Bruegel... et le tout péniblement servi par une brochette de vedettes internationales.

    - Une séparation: le type de films qui me sort par les trous de nez! film de petit malin, manipulateur, et sans finesse.

    Et tout ça, est comme par hasard encensé par une certaine critique, auxquels se joignent désormais certains blogueurs...

    Entretemps, on aura eu heureusement un bon Skolimowski, une Coppola assez inspirée cette fois-ci! et, à venir, un Dumont toujours aussi revêche!

    Bonnes projections,

    Anthony Prunaud.

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  2. Merci pour vos commentaires, Anthony.
    Oui, je me lâche, je dis ce qui me passe par la tête. Ça m'amuse. Parfois je me dis "mais qu'est-ce que j'ai écrit !". Mais je sais toujours que j'ai raison, dans le fond, même si j'exprime mal ce que je veux dire. Je vais peut-être tout de même aller voir "Pater" demain. Skolimowski, c'est fait. Coppola, j'ai bloqué. Dumont, why not… Ce qui est marrant, c'est qu'en même temps j'essaie d'écrire un scénario qui se passe au XIXe siècle, en langage un peu châtié…

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