27.4.11

FRENCH SERIES

Dans une publication que je fréquente parce que j'y écris je viens de survoler l'inévitable et inénarrable dossier — quasiment un marronnier — sur les séries télé françaises, où l'on nous dit qu'elles ne vont pas très bien mais qu'elles se soignent. On nous raconte que si elles ne marchent pas et ne sont pas assez réussies c'est par manque de moyens et autres blagues. Les vraies raisons ce sont 1. la bureaucratie, 2. des schémas moyenâgeux. Je ne dis pas que je sois un expert dans ce domaine. Déjà je ne me pâme pas sur la moindre série US. Mais j'ai vu quelques épisodes des Beaux mecs, et il était évident pour moi que c'était complètement à la masse. Pourquoi ? A cause du folklore franchouillard qu'on nous y refile en douce : toute cette partie rétro sur la pègre de papa ; le bon temps des tractions et tutti quanti. Quant à la partie contemporaine, c'est bien tenté, mais désolé, on a déjà vu ça mille fois dans des films de cinéma. Déjà pour concurrencer les Américains, il ne faudrait pas se mettre sur leur terrain (exemple : le polar). Ensuite faire table rase du passé et du patrimoine culturel, qui est un des principaux boulets de la télé française depuis les années 1960. Il vaudrait mieux partir d'autre chose. Je sais pas moi, une série sur les mésaventures d'une équipe de tournage de reality show ; la vie d'une équipe de foot… Les idées ne manquent pas. Cela dit, sur le papier, la série Xanadu d'Arte, sur une famille de producteurs de films pornos, semble aller dans le bon sens, d'autant plus qu'un de ses réalisateurs est Podz, alias Daniel Grou, qui fut aux commandes de Minuit, le soir, excellentissime série québécoise sur la vie d'une boîte de nuit de Montréal. A vérifier…

25.4.11

ARNAQUE AUSTEN

Poursuivant ma quête du roman gothique parfait, j'ai eu la mauvaise idée de lire (en anglais) Northanger Abbey de Jane Austen, qu'on présentait comme une satire du genre. “Northanger Abbey", dit la quatrième de couv, "is Jane Austen's amusing and bitingly satirical pastiche of the "gothic" romances popular in her day". Or, non seulement ce n'est pas drôle du tout, mais ce n'est même pas une satire du roman gothique. Tout au plus l'héroïne, une oie blanche nommée Catherine Morland, lectrice assidue de ce type de romans, imagine-t-elle à tort que le père de l'homme dont elle est éprise a fait ou laissé mourir la mère de celui-ci. Le reste n'est que billevesées d'oies blanches au bal, d'amoureux qu'on n'arrive pas à rencontrer et d'importuns qui vous pompent l'air. Austen écrit certes extraordinairement bien, mais ses maniérismes infinis me hérissent. Pas autant que Ce que savait Maisie, le livre le plus ennuyeux de Henry James (dont j'adore Le Tour d'écrou et apprécie Princesse Casamassima), mais c'est tout de même étouffant. Ouf, j'en suis sorti. Je voulais tout de même aller au bout pour savoir si ça ne se gothisait pas un peu in fine. Que nenni. L'épisode gothique est quasiment amovible du livre.

23.4.11

MÉTADOCUMENTAIRE

J'y reviendrai en plusieurs fois, I guess, au documentaire, catégorie qui me travaille actuellement et qui est la plus mal traitée (par ses auteurs et ses commentateurs) actuellement au cinéma. Sans parler de l'aberration consistant à sortir d'infâmes reportages et magazines de société en salle et de laisser inédits de vrais chefs d'œuvre.
Bref, pour revenir à cette idée de méta-documentaire, elle n'est pas nouvelle en fait, mais il me semble qu'elle prend de l'ampleur… Ce sont des films où l'on ne traite pas un sujet unique, ou du moins où on peut traiter un sujet unique, mais relativement abstrait, et où l'on multiplie les points de vue et les angles sur ce sujet, à travers différents segments en apparence décousus et disparates. Il y a déjà eu des documentaires de ce genre comme ceux d'Erwin Wagenhofer, qui a décortiqué certains rouages de la nouvelle économie avec un relatif talent. Mais ce n'étaient en fait que de très bons magazines de reportage comme la télé devrait en faire. Le méta-documentaire dont je parle c'est autre chose. Il était déjà en germe dans des films comme le philosophique La fabrique de l'homme occidental de Caillat, Legendre et Bardet ; ou bien dans Gambling, gods and LSD de Mettler, un long poème visuel brassant toutes sortes de thèmes et paysages. Mais voici deux nouveaux exemples : Abendland de Nikolaus Geyrhalter, auteur de Pripyat et Notre pain quotidien, qui sort du mono-sujet pour juxtaposer toutes sortes de séquences (allant de La Fête de la bière à Munich à des patrouilles le long de la côte du sud de l'Espagne, en passant par une rave de militants anti-nucléaires) dont le but, selon lui, est de décrire la façon dont l'Occident s'enferme dans son confort et se barricade contre le reste du monde ; et ensuite Mercedez Alvarez qui après son très beau Le ciel tourne s'est elle aussi colleté à un film conceptuel, Mercado de futuros. Son idée c'est que la mémoire se perd au fur et à mesure que le monde actuel devient virtuel et spéculateur. Pour cela elle montre principalement (mais pas seulement) le marché aux puces de Barcelone où tous les souvenirs, précieux ou non, sont bradés, piétinés, enfouis, et un salon de l'immobilier triomphant où n'importe qui vend à n'importe qui des tranches d'immobilier n'importe où (Budapest, Costa brava, Dubaï), qui deviennent des investissements virtuels. Le côté tatiesque, les trompe-l'œil du film (grandes photos de résidences paradisiaques en toc) sont charmants, mais dans le fond ça me laisse froid. Toutes ces démonstrations intelligentes qui veulent nous dire quelque chose sur notre société ne m'intéressent guère. Car le métadocumentaire n'est qu'un support sociologique comme un autre, où ce qui compte c'est le concept, pas ce qu'on montre. Exemple : ces séquences interminables sur des boursiers qui spéculent sur l'argent. Zzzzz. Franchement je peux trouver ça drôle 5 minutes, mais ça me lasse très vite. Donc, le métadocumentaire utile, je dis non. Celui qui a une visée, une teneur, une saveur plus onirique, en revanche, comme Gambling, gods and LSD, je dis oui, oui, oui. Mais je n'en vois pas venir. Le plus sûr et le plus clair c'est que je vais devoir m'occuper moi-même de réaliser ces documentaires planants et poétiques que j'aimerais tant voir et qui n'apparaissent que très rarement (un tous les cinq ans en moyenne).
P.S. Fred Kelemen ne remercie pas Nikolaus Geyrhalter de lui avoir piqué son titre Abendland

21.4.11

LE CRI (DÉCHIRANT) DU SYNTHÉTISEUR

Le clip n'est pas extraordinaire, mais ce morceau – The look : CLIC – me trotte déjà dans la tête. Plus catchy, tu meurs. Ce sera certainement un tube, mais ce n'est pas grave. Metronomy, groupe de l'année ? Probablement.

20.4.11

L'HÔPITAL QUI SE MOQUE DE LA CHARITÉ

Selon Eva Joly, Nicolas Hulot est “un nouveau venu sur les thèmes de la justice sociale”. Et Eva Joly, elle n'est pas une nouvelle venue sur les thèmes de l'écologie ?

15.4.11

ALORS OUI, LE DOCUMENTAIRE…

C'est bien cela. J'ai bien constaté encore le même travers à Nyon (au festival Visions du Réel), qui est un des grands problèmes du documentaire actuel, à mon sens : le glissement systématique de cette catégorie cinématographique vers le reportage style journal télévisé, ou pire, le magazine de société, de préférence dramatique ou misérabiliste. Autrefois, les dames patronnesses avaient leurs pauvres, leur donnaient quelques sous, des vieux vêtements, avant de regagner leurs logis cossus. Avec le documentaire il se passe un peu la même chose. On va témoigner, voire militer (alors qu'on n'est pas politiquement actif) par le biais du cinéma, en filmant par exemple des sans-papiers reconduits manu militari à la frontière, et puis on rentre chez soi, pénard, avec ses bobines, et on en fait un beau film montré dans les festivals. Applaudissements. D'autres fois on va filmer les victimes du sida en Afrique, les femmes maltraitées ailleurs, etc. On filme ces misérables, mais parfois on ne lève pas le petit doigt pour eux. On préfère les filmer. C'est un cinéma de la commisération, que certains appellent documentaire, mais que j'appellerais document à thèse ou bien thèse illustrée. Combien de films à Nyon sur des malades du cancer en phase terminale. J'appelle ça une forme de complaisance, ou bien des clichés politiquement corrects. Le documentaire ne peut pas être le réceptacle ou le miroir de la misère du monde. Elle peut être un de ses objets, mais pas son objet central. Ce qui manque dans ce cinéma c'est un regard particulier, un travail sur la durée, la contemplation, le paysage, les choses. Bien sûr il y a un peu de cela un peu partout, mais la tendance ethnographique, anthropologique, c'est à dire para ou pseudo-scientifique, para ou pseudo-sociale domine de part en part. Le documentaire de création que j'appelle de mes vœux a une part encore trop réduite. Bien sûr, il y a certains cinéastes qui arrivent à concilier tout, à contenter moi et les autres, comme Alexandre Sokourov, avec son film sur deux vieilles femmes au Kurdistan irakien, ou Robert Greene avec son portrait intimiste d'une adolescente en Alabama…
Par ailleurs il y a cette obsession du récit, qui ne fait pas que du bien. A mon avis de nombreux cinéastes se trompent. Ils prennent le cinéma pour un art du temps, alors qu'à mon sens c'est ou ça devrait être un art de l'espace. C'est ce que je me suis dit en regardant un court métrage d'un cinéaste que par ailleurs j'estime, José-Luis Guérin. Répondant à une commande d'un musée sur la peinture, il a réalisé des "lettres filmées" à une conservatrice. Evoquant la peinture classique comme il peut, par toutes sortes d'analogies, il parle des toiles sous l'angle exclusif du récit. C'est à dire qu'il ne voit dans ces œuvres que des histoires, des personnages. Exit, la couleur (ses docus sont en noir et blanc !), la forme, la lumière, et même la profondeur. Ce qui est représenté physiquement, les différents plans à l'intérieur d'un tableau, passent à la trappe. C'est un peu le même problème qu'avec les documentaires moyens. On veut raconter une histoire coûte que coûte, quitte à oublier où on est, qui on est, qui on filme, d'où on filme, comment. Quelle est la texture de l'image, quelle est la couleur… A la limite on n'attend pas patiemment qu'il se passe quelque chose en restant à l'affût, mais on va au devant des événements, quitte à les provoquer, directement ou indirectement, pour alimenter son film… Le cinéma actuel manque de regard(s). On ne regarde plus, on montre, on démontre, on raconte.

14.4.11

PLUS JE CONNAIS LES SUISSES PLUS JE ME MARRE

Je vais très bientôt revenir sur le documentaire, comme promis, et aussi sur les Suisses, qui à mon sens sont bien plus (involontairement) drôles que les Belges. Voir les articles de la version genevoise de ce quotidien gratuit, qui frappent par l'insignifiance de leurs unes – voir photo. Même dans les journaux régionaux français, on ne fait pas mieux. Ce qui me frappe aussi "chez ces gens-là", comme dirait Jacques Brel, c'est leur mauvais français (comme les Belges et les Québécois), consistant à adapter et déformer mots et locutions. La palme va à leur accent chantant. Autrement dit, la Suisse est une mine d'or comique qu'on aurait tort de négliger. Avis à Dany Boon.

10.4.11

LET'S SWISS AGAIN

Je pars en Suisse au festival documentaire de Nyon. A mon retour, j'espère lancer un grand débat sur le documentaire, qui à mon sens et a priori, va dans la mauvaise direction depuis quelques années. Je m'engage à chercher dans ce festival quelques pépites qui contrediront cette impression tenace.

3.4.11

CHANTS

Vu une avant-projection des Chants de Mandrin, le quatrième film de Rabah Ameur-Zaïmeche, cinéaste toujours surprenant. Ici il traite divers thèmes politiques très actuels à travers la folle équipée des compagnons de Mandrin, contrebandier et rebelle du XVIIIe siècle. On pense à tous les révoltés du XXe et du XXIe siècle – y compris les plus récents. D'ailleurs le film narre une épopée assez semblable à celle de Che Guevara en Bolivie. Le genre de film d'époque comme je les aime, c'est à dire qui privilégient la partie sur le tout, la vision parcellaire par rapport à la fresque. Une chronique simple et directe où le cinéaste a inséré une foule de discrets anachronismes (dont des textes de Rimbaud et Lautréamont) pour finir en beauté avec la chanson de l'étonnant duo Allen Ginsberg/The Clash… Cette manière de faire de l'histoire change des banalités habituelles. A suivre.
P.S. En prime Jacques Nolot, qui joue un piquant marquis pré-révolutionnaire, et le philosophe Jean-Luc Nancy, son imprimeur.