6.8.11

PATER…RIBLE

Je viens donc de voir Pater d'Alain Cavalier et j'ai été atterré. Complètement d'accord avec mon lecteur Anthony qui parlait de démagogie. C'est exactement ce qui m'a le plus frappé. Notamment à propos de tout ce radotage interminable sur la réduction de l'échelle des salaires de 1 à 10 ou de 1 à 15 ; ça semble être l'unique enjeu de l'élection présidentielle dont il est question… Pur alibi, peut-être, mais il est représentatif de l'idéologie à l'œuvre dans tout le film, c'est à dire l'idéologie bourgeoise hypocrite, politiquement correcte, gauche caviar si on veut (ils mangent des truffes), ou “faux-cul”, comme dirait Anthony — qui avait tout bon. Ces gens là bâfrent, bâfrent, et entre deux bouchées ils disent qu'ils aimeraient réduire les salaires des super-patrons. C'est ridicule ou dérisoire ou les deux. Alain Cavalier prétend qu'il ne possède rien à part deux tables, que c'est à cause de sa formation religieuse. Pourtant ce film pue le fric. En fait c'est un film sur l'argent. Cavalier annonce fièrement les dépenses qu'il a faites pour le film : costard à 200 euros, chaussures à 175, etc. Jusqu'au moment où il exhibe les cicatrices du lifting (3000 euros) qu'il s'est fait faire, (à 80 ans !). A un autre moment, Vincent Lindon raconte l'esclandre qu'il a fait à son propriétaire pour un prétexte fallacieux. Il le traite plus ou moins de nanti versaillais, en pestant contre les capitalistes comme s'il était un prolo vivant à Aulnay-sous-bois. Pourtant, Vincent Lindon nage dans le luxe (dix SDF pourraient loger dans son dressing) et vit dans un appart cossu du 6e arrondissement de Paris, avec vue sur Saint-Sulpice. Pas exactement un bidonville. La politique est une gaminerie sans intérêt à laquelle se livrent Cavalier et Lindon. La manière onctueuse de Cavalier d'en faire des tonnes sur des petits riens, de jouer à l'épicurien désinvolte (pique-nique grotesque du "président" en forêt), me hérisse. En fait j'ai compris : c'est un fétichiste. Ce fétichisme associé à ces vieilles idées de bourgeois réformiste (genre vaguement radical), me rappelle les années 60. Il y a quelque chose de définitivement rance chez Cavalier. Dans le meilleur des cas il pourrait rappeler Godard, mais seulement pour 1% du film. Ce qu'il me rappelle beaucoup plus ce sont les obsessions boutiquières et gnangnan d'Agnès Varda. Au fond, Cavalier est l'Agnès Varda masculin. Cela éclaire tout autrement son film Irène. Je m'en veux presque de m'être fait avoir par la dimension tragique de ce film (que je préfère néanmoins). Bon, je ne vais pas m'étaler. La seule chose que j'ai vraiment appréciée dans tout le film dure deux minutes. C'est l'explication d''un ancien basketteur, membre de l'entourage du 1er ministre (Lindon), sur le dopage. Là c'est fort, là on entend quelque chose qu'on n'entend jamais aussi crûment : tous les sportifs sont dopés. Quant à la comédie du pouvoir à la Cavalier, pfff.

4 commentaires:

  1. Cool, monOmbre est de mon avis sur ce film!

    Au départ, dois-je préciser? je ne suis pas anti-Cavalier. De tous ses films que j'ai vus, ce doit être Vies celui que je préfère, sans adorer non plus, loin de là! Le reste, je regarde ça très distraitement, ne me sentant jamais concerné; ni même par sa Thérèse!

    "Cavalier: l'Agnès Varda masculin?" C'est assez bien trouvé! A cette différence près, je crois, que lui, il s'est fabriqué un personnage de Tartuffe des temps modernes, sous les traits d'une sorte de misérabiliste compassionnel. Alors qu'elle, Varda, est plus "précieuse", et l'assume!

    Des "quatre films de l'année", c'était peut-être "le moins pire"! Mais, comme dirait l'autre, faute de mieux, c'est quand même ceux-là les plus "intéressants"...

    Bien à vous,

    Anthony Prunaud.

    RépondreSupprimer
  2. Je n'ai pas vu "Vies". J'ai vu peu de ses films. "Thérèse" m'avait semblé très artificiel. En revanche "Le plein de super" était un film plein de vigueur, au ton plaisamment picaresque. J'ai aussi aimé ses portraits documentaires de femmes exerçant des métiers en voie de disparition. "Irène" m'avait bien accroché. Je déchante maintenant. Quant à Varda, j'enrage encore de son œuvre auto-célébratrice, Les plages d'Agnès (déjà le titre). J'ai trouvé ça lourd.

    RépondreSupprimer
  3. Votre lecture du film est tellement caricaturale... on dirait le courrier des lecteurs de L'Huma, il y a trente ans. Les personnages sont des bourgeois qui cherchent à se racheter une conscience ? Les salauds. Et ce jugement indigne d'un critique de cinéma, vous vous contentez de l'appliquer au réalisateur sans prendre en compte ce qui fait tout l'intérêt du film : ce jeu entre la réalité et la fiction, entre l'artifice et le réel, entre l'acteur, le réalisateurs et leurs personnages.

    Vous faites abstraction de l'ironie féroce de Cavalier en prenant "pour argent comptant" le luxe et l'argent qu'il exhibe sous vos yeux. Il montre bien que ce confort rend vaniteux et qu'il déconnecte les politiciens les mieux attentionnés de leurs électeurs.

    (je partage votre avis sur Les Plages d'Agnès : auto-célébration morbide... Comme si elle avait voulu se faire la stèle qu'elle désirait avant de mourir...)

    RépondreSupprimer
  4. Alors Monsieur Anonyme qui n'a pas le courage de dire son nom, je suis caricatural. Et vous pas ? Le jeu entre la réalité et la fiction ce n'est pas Alain Cavalier qui l'a inventé. En l'occurrence vous vous plantez parce que Cavalier ne s'attaque pas à l'argent ni même à la politique. Il fait joujou, comme il fait la dînette. S'il filme dans l'appartement de Saint-Sulpice de Vincent Lindon je pense que ce n'est pas pour critiquer le confort de l'acteur. Quant aux hommes politiques, je n'ai jamais rien vu de plus anodin sur ceux-ci. Je pense que Cavalier est sincère quand il parle de réduire l'écart des salaires (il ne parle que de ça d'ailleurs). Mais c'est une mesurette, qui lui permet juste de faire joujou au Président. L'anecdote que raconte Lindon sur son ascenseur m'est arrivée dans mon immeuble. Exactement pareil. Sauf que moi je n'en fais pas tout un plat. Ça n'a aucun intérêt dans le contexte. J'aurais trouvé le film beaucoup plus réussi s'il n'y avait pas cette fausse comédie du pouvoir, si c'était une simple rencontre entre un réalisateur et un acteur. Qu'est-ce que le film nous dit sur la politique ? Rien.

    RépondreSupprimer