9.9.10

LE CONFORMISME DES REBELLES

Un sujet me démange depuis un bon bout de temps, qui n’a l’air de rien, mais pourrait aller loin et me permettre de poursuivre à l'infini les ramifications de ce thème. C’est le conformisme des rebelles. Dans la société occidentale, en gros, il y a d’un côté ceux qui disent : le système est ce qu’il est, plus ou moins imparfait ou injuste, mais contentons nous de nous en mettre plein les poches car la vie est trop brève pour faire des manières. Ce sont les gens de droite. D’un autre, il y a ceux qui dénoncent telle ou telle chose avec plus ou moins de nuances, allant des cathos éclairés aux anars purs et durs prêts à tout casser. Ce sont les gens de gauche. Profiter du système ou tout changer pour un monde meilleur ? Les premiers, je les comprends facilement. Ce sont des gens bornés et matérialistes, pour lesquels la jouissance prime sur le reste. Ils ont un côté bestial qui est très clair, cohérent, presque inattaquable. Les seconds sont plus complexes et contradictoires. Ils disent vouloir changer le monde (“changer la vie”), aider les misérables, réduire les inégalités, etc. Mais ceux qui disent ou s’occupent de ça sont souvent des nantis qui n’ont pas fait vœu d’humilité dans leur vie privée. Ils veulent changer des choses, mais dans un cadre toujours restreint. Quand Marx ou des ouvriers de gauche s’indignent de l’injustice du capitalisme et prônent une société plus égalitaire, ils ne pensent jamais à remettre en cause le cadre dans lequel ils s’expriment. Ils veulent une industrie plus humaine, un monde altruiste sans trop de hiérarchie. Soit. Mais le problème ce sont justement les usines et les machines. Les usines elles-mêmes sont des entités impérialistes et capitalistes, qu’elles soient de gauche ou de droite. Les machines sont inhumaines par définition. La production et l’industrie ne sont pas des concepts égalitaires et ne le seront jamais. Ce sont des facteurs de destruction de l’environnement et de concentration du pouvoir mécanique. Qui dit pouvoir mécanique en Occident, dit pauvreté archaïque ailleurs. A chaque fois que quelque chose de fort et de puissant est réalisé quelque part dans le monde, cela en affaiblit une autre partie. C’est systématique. Donc, on ne peut pas remettre seulement en question l’organisation de la société et ses rapports de force, car ils sont fondés sur une violence originelle. Le péché originel c’est la domination des peuples monothéistes sur le monde et leur irrésistible expansion. Soit exactement l’inverse que ce que nous apprennent leurs religions depuis des millénaires.

Alors quand des membres de cette société crachent dans la soupe et disent “Tous pourris !”, ça me fait marrer. Ils devraient dire : “Tous pourris, comme moi !” Tout le monde est complice, jusqu’à preuve du contraire. Je pensais à ça en regardant le documentaire sur le dessinateur Siné (réalisé par sa fille). Siné, brave papy provocateur, toujours sur la brèche pour dézinguer les colonialistes, sionistes, fascistes, curés, etc., avait comme projet de mettre sur sa tombe une main sculptée en train de faire un doigt d’honneur. Autrement dit, “Vous êtes tous des nazes et je vous crache dessus !”. Très bien, mais cela il le fait dans un cadre urbain, bourgeois (le cimetière Montmartre), parmi des bourgeois. Son geste provocateur passe donc pour un pied de nez d’enfant mal élevé à des adultes collet monté. Où est la révolte ? Même ceux qui font des bombes, qui détruisent tout, par dépit, découragement, désespoir, à quoi servent-ils ? Ils détruisent, et après ? Le monde continue de tourner dans le même sens et on prend des mesures toujours plus sophistiquées contre les importuns. Je me suis toujours demandé dans quelle mesure les terroristes n’étaient pas payés par les gouvernements des pays où ils mettaient des bombes. Quand on fait régner la terreur, à qui profite le crime ? Aux terroristes ? Non, aux gouvernants. Cela leur permet de redoubler la répression, d’instaurer une surveillance policière et des mesures de sécurité plus drastiques. Le lendemain du jour où une bombe éclate dans un endroit, on peut mettre des chars et des militaires en mitraillette partout. Les gens seront rassurés. Ils applaudiront. Après, ils seront habitués. C’est comme les contrôles dans les aéroports. Il y en a de plus en plus et tout le monde les accepte sans moufter. Autrement dit, même les rebelles, provoquent, réclament ou acceptent leur asservissement. Etre ouvrier dans la dignité, ça n’existe pas. Construire c’est toujours détruire quelque part.

Something has been itching me for some time. It looks like nothing, but it could go far and allow me to explore the topic for a long time. It's the conformism of the rebels. In Western society, basically, there are, on one side, those who tell the system is what it is, more or less imperfect or unjust, but they content themselves to fill their pockets because life is too short to be peculiar. They are the right wing. On the other hand, there are those who denounce this or that with varying shades, ranging from enlightened Christians to hardcore anarchists ready to destroy all. They are the leftists. Enjoy the system or change for a better world ? I understand the right-wing people easily. They are narrow-minded materialists ; their immediate pleasure outweighs any other consideration. They have an animal side which is very obvious, coherent, frank. The left-wing people are more complex and contradictory. They say they want to change the world ('change the life "), helping the poor, reduce inequality, etc.. But those who say or care about the hardships of their human fellows are often wealthy people who don't live like monks. They sincerely want to change things, but within some narrow limits. When Marx or leftist workers resent the injustice of capitalism and advocate a more egalitarian society, they never think to question the context in which they speak. They want a more humane industry, an altruistic world without too much hierarchy. But the problem is precisely the plants and the machinery. The factories themselves are imperialist and capitalistic entities. The machines are by definition inhuman. The production and industry are not egalitarian concepts and never will be. There are factors of environmental destruction and concentration of mechanical power. The consequence of the mechanical power in the West, is the archaic poverty of the South. Whenever something strong and powerful is achieved somewhere in the world, it weakens the other part. So, one can't simply question the organization of society and its pressure, because they are based on an original violence. The original sin is the domination of monotheistic societies on the world and their irresistible expansion. Exactly the opposite of what they have been telling us for millennia.

So when members of this society spit in the soup and say "All rotten!" I laugh. They should say: "All rotten, just like me!" Everyone is an accomplice, until proven otherwise. I thought about this while watching the documentary on the cartoonist Sine (directed by his daughter). Sine, brave grandpa, always on the go to knock the colonialists, Zionists, fascists, priests, etc.., is planing to put on his grave a carved hand doing the finger. In other words, "You're all fucked up and I spit on you!". Very good, but it does this in an urban, bourgeois surrounding (Montmartre Cemetery). This provocative gesture is just like a naughty children's gesture addressed to some stiff adults. Where is the rebellion? What are those who make bombs to destroy everything, out of spite, discouragement, or despair? They destroy, and after that what ? The world goes on turning in the same direction and authorities take more sophisticated measures to prevent any interference. I've always wondered if the terrorists were not paid by the governments of countries where they put bombs. When terror reigns, who benefits of it ? The terrorists? No, the rulers. It allows them to intensify the repression, to establish a police state and increase security measures. The day after a bomb explodes somewhere, they can put tanks and soldiers everywhere. People will be reassured. They'll applaud. After they will be accustomed. It's like the controls in airports. They are multiplied and no one says nothing. In other words, even the rebels cause, demand, or accept their enslavement. When you build something somewhere, it causes a destruction somewhere else.

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