4.12.11

TOP 14 2011

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And the winners are :-----------------------------------------
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- Attenberg, de Athina Rachel Tsangari — à mon sens la plus belle application de l'art brut au cinéma, y compris pour ces séquences de danse impromptues et pas forcément indispensables. Le cinéma grec s'élève en même temps que la débâcle financière gagne le pays. Même phénomène qu'en Argentine il y a une dizaine d'années. Pour résumer : liberté intense de mise en scène et de jeu des comédiens. Une dramaturgie extrêmement souple, qui fait la part belle au vide, au non-dit et à la désinvolture.

- La Solitude des nombres premiers, de Saverio Costanzo — après Amer, une deuxième géniale transposition du giallo. Non seulement par la musique (dont un morceau a été emprunté à Argento), mais par le sens baroque de la couleur (à laquelle le sang participe), le jeu avec les flashes-backs, les époques, mais aussi l'époque décrite (des 70's aux 80's). Sans doute la meilleure et la plus belle aventure kitsch de l'année. Un kitsch qui fait mal.

- Exit, una storia personale, de Massimiliano Amato — un autre film transalpin, celui-là complètement fauché, sorti en catimini et oublié, qui est un fulgurant jeu avec la folie, sur la folie. Les chassés croisés et poursuites de deux frères. L'un, rangé, l'autre schizophrène ou psychotique. Personnage (et physique) purement pasolinien pour un récit également déconstruit comme une fuite exténuée au bout du paysage.

- La Ballade de l’impossible, de Tran Anh Hung — encore une histoire de folie (décidément !), mais aussi d'amour fou. Encore un chassé-croisé tragique. Une adaptation rêvée du livre culte de Murakami que je n'ai pas lu, par un Français d'origine vietnamienne, qui signe le plus beau film japonais de l'année, et qui par la même occasion remonte en flèche dans mon estime (je n'avais vu que Cyclo de lui). L'intrication des deux registres liée aux deux personnages féminins diamétralement opposés que fréquente le héros s'allie idéalement avec le climat politique troublé (les années 1960 au Japon) plus une certaine dimension pop.

- Agua fria, de Paz Fabrega — adoré le climat entre rêve et cauchemar tropical, le côté crépusculaire et naturel de cette simple histoire d'enfant qui somatise et se perd au bord de la mer. Une leçon de nature.

- Hors Satan, de Bruno Dumont — une autre leçon de nature, mais plus sophistiquée, et un cinéaste qui remonte aussi en flèche dans mon estime. Je ne me complique pas la vie, je réagis spontanément. Les atouts du film sont naturellement le décor naturel, formidablement exploité (exemple : la scène de traversée d'un plan d'eau inspirée par Tarkovski), les personnages aussi troubles que touchants. Même la dimension religieuse reste assez vague et limite panthéiste pour me toucher. Les ricaneurs qui comparent à Dreyer ont tout faux. Ce film est candide, sans calcul. Un plaidoyer pour la croyance et pour la magie ordinaire.

- Augustine, de Jean-Claude Monod et de Jean-Christophe Valtat — un moyen métrage inédit sur les expériences de Charcot sur l'hystérie à la Salpêtrière, notamment avec une nommée Augustine, qui devint son cobaye favori. Magnifique travail, à la foi sobre et fiévreux, dans un très beau noir et blanc. Ça vous réconcilie avec les films en costume.

- Dharma guns, de F. J. Ossang — je ne suis pas fan à 100% des élucubrations d'Ossang, mais même si ce film se réduisait à sa séquence d'ouverture, avec Elvire au volant d'un hors-bord tractant Guy McKnight, d'une splendeur sans nom, cela suffirait à le placer au-dessus de toute la production française. Pour moi cette scène est un hors d'œuvre corroboré par une esthétique d'une cohérence et d'une singularité impeccable comme un instantané surréaliste inédit. J'adore ce film comme objet.

- Entre chien et loup, de Jeon Soo-il — road movie, dérive existentielle ou existentialiste, non-dit à tous les étages, indécision amoureuse ou plutôt flou amoureux. Cela ressemble dans ses très grandes lignes à certains récents Hong Sangsoo — un cinéaste qui part à la dérive et se raccroche à une femme —, mais Jeon Soo-il ne choisit pas les mêmes solutions esthétiques que son compatriote. Il a un souci plus écologique, au sens propre : étude du personnage dans son milieu. Il ne filme pas des événements ou des situations mais des pans de paysage dans lesquels il insère ses personnages. Un peu comme Dumont, mais avec moins d'intention. Cet attentisme du regard fait toute la beauté de ce monde là.

- Essential killing, de Jerzy Skolimowski — une expérience hors-norme due à un vétéran du cinéma polonais qui remet tout en question sans le moindre scrupule. Il bat les cartes de son cinéma et les redistribue d'une manière tout à fait différente. Ici en accentuant la fuite, le mouvement, la bestialité d'un homme traqué. Un personnage unique que ne pouvait incarner qu'une tête brûlée comme Vincent Gallo. Ce rôle lui va à ravir.

- Drive, de Nicolas Winding Refn — un film plus traditionnel, disons hollywoodien pour simplifier, qui est le seul film américain que je retiens cette année. Sans doute parce qu'il n'est pas tout à fait américain, car réalisé par un Danois (je sais bien que ça ne veut rien dire). Ce cinéaste que je n'ai pas toujours adoré met un peu de froideur et de couleur dans la nuit, apaise la noirceur de ce film parfaitement noir grâce à une sorte de recul élégant et contemplatif. Ainsi il transcende le cliché du loser pris dans un engrenage infernal. Pour résumer, le côté fluide et planant de Drive fait toute la différence.

- Arriety, de Hiromasa Yonebayashi — faute de Miyazaki on mange des grives, ou plutôt on se rabat sur un de ses lieutenants qui trousse une curieuse fable d'amour impossible entre un garçon et une fillette microscopique. Ce jeu des tailles et des échelles appliqué au dessin animé ligne claire façon Ghibli rend l'exercice délectable et troublant.

- Carancho, de Pablo Trapero — thriller social, genre que l'Argentin Trapero est quasiment le seul à maîtriser aujourd'hui. C'est à la fois un film d'action, un polar, et une histoire d'infirmière, d'avocat, d'hôpital, de milieu modeste. Avec sans doute la plus étonnante scène de fusillade urbaine de ces dernières années. Un modèle de ce que devrait, pourrait-être un thriller nord-américain.

- La Mujer sin piano, de Javier Rebollo — splendide histoire de dérive nocturne, qui ne cherche pas à convaincre, démontrer, raconter, mais simplement à rêver. Ce film est un rêve, un chouïa kafkaïen comme les rêves, régi par l'illogisme et le coq à l'âne. J'ai particulièrement apprécié la manière dont le film suivait des personnages très secondaires quelques secondes ou minutes avant de revenir à l'héroïne, qui quitte brusquement son domicile au milieu de la nuit.

Il y a évidemment énormément de films que je n'ai pas vus. Le plus souvent par choix. Il y en a d'autres que j'aurais bien voulu voir par curiosité, mais je ne l'ai pas fait. Et puis il y a ceux que j'ai vus (beaucoup de films américains) qui ne m'ont pas assez marqué pour que je les inclue dans ma liste. La dernière fois que j'ai publié une liste, on m'a traité de snob parce que j'ai cité des films peu connus. Il faudrait plutôt se demander pourquoi certains films ont du succès et d'autres passent inaperçus. Ce qui fait que tout le monde se précipite sur certains films ne me touche pas forcément. Exemple : le côté pseudo ET du monstre de Super 8 de Abrams ; le côté Amélie Poulain de Hugo Cabret, etc. De toute façon je n'ai pas à me justifier, mais le fait est qu'on vit une époque où la différence est mal perçue. Cela je pense en raison de la concentration des médias et de la publicité qui ont tendance à unifier les pensées et les comportements. Mais cela a des bons côtés aussi…

10 commentaires:

  1. Il y a quelque chose d'ironique dans cette différence de point de vue mal perçue. Le fameux grand public (qui regarde les films pour se divertir, et donc doit comprendre tout ce que le film raconte immédiatement, sans seconde lecture) versus la Critique (ou l'Intelligencia, celle qui ne met en avant que des films incompréhensibles qui n'existent qu'en langue étrangère et dont on ne sait pas clairement si c'est une comédie, un drame ou un thriller.)

    Dans les deux cas, la faute reprochée à l'autre camp, c'est d'aimer ces films pour faire partie d'un groupe, soit par bêtise ou panurgisme quand c'est le grand public, soit par snobisme et panurgisme quand c'est la critique (ou le cinéphile averti). Mais au final la faute est la même : il s'agit de dénoncer la posture de l'autre camps, de dire à l'autre "tu ne peux pas trouver ce film bien, tu dis ça parce que d'autres le disent aussi". Avec de chaque coté la peur de faire partie du camps de ceux qui ont tords (ce qui rend les affrontements d'autant plus violents).

    Et pendant ce temps ceux qui aiment les films sincèrement et les partagent se prennent les dégâts collatéraux.

    Personnellement de cette liste, je n'ai vu que Drive et Arriety,(que j'aime beaucoup chacun), et je pense que sur les autres films cités certain me plairaient mais plusieurs m'ennuieraient probablement (sans les trouver non plus dénué d'intérêt), sauf si je pouvais les voir dans l'isolement d'une salle de projection.

    Cette année j'ai surtout vus des films d'avant cette année (vivre hors des grandes villes n'aide pas à être à jour cinématographiquement parlant). Le film de 2011 vu au cinéma qui m'aura le plus marqué sera Midnight In Paris, pour la simplicité et la fluidité surdouée de sa petite histoire. Avec un film mineur, Allen a surpassé tout ce qui s'est fait en matière de comédie française cette année, sans effort.

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  2. en fait c'est plus compliqué : aujourd'hui la majorité de la critique branchée crache sur le cinéma d'auteur pur et dur (ennuyeux) et encense surtout le cinéma américain grand public. Voir la pluie d'éloges qui va s'abattre sur le poussif "Hugo Cabret". Il reste une portion fidèle au cinéma dit "de recherche", venant de cinématographies plus exotiques, mais c'est considéré comme has been. Hélas. Le commerce et ses commentateurs se rejoignent, y compris en dissertant sur ce commerce sur un mode pseudo intellectualisant. Mais je ne suis pas dupe. Le cinéma d'art, comme on disait dans le temps, est considéré comme un peine-à-jouir. S'éclater aujourd'hui c'est manger du pop corn en regardant un blockbuster fantastique, y compris pour les jeunes critiques geeks qui twittent sur leurs iPhones.

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  3. How dou you known (Comment savoir) - James L. Brooks
    Drive - Nicolas Winding Refn
    Essential Killing - J. Skolimowski.
    Le Sommeil d'or - Davy Chou.
    Super 8 - J.J Abrams.
    Carancho - Pablo Trapero
    Une séparation - Asghar Farhadi.
    Tree of Life - T. Malick.
    La BM du seigneur : Jean-Charles Hue.
    La Ligne blanche - Olivier Torres.

    Il a vraiment de très belles choses dans Super 8 !

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  4. j'avoue ne pas comprendre. C'est votre liste à vous ?
    En tout cas, je n'ai pas détesté Super 8, mais il m'a trop fait une impression de déjà vu.

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  5. J'ai été en effet un peu lapidaire ! C'est en effet ma liste.
    Je vais essayer de regarder le Constanzo avant la fin de l'année.

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  6. @P/Z Alors là dedans je n'ai vu (en plus) que Super 8 et une partie de La BM du seigneur (en DVD) qui m'a tellement déçu que je n'ai pas tout vu (Il y a un problème de mise en scène, de regard et de choix dans ce film, qui n'est ni franchement documentaire, mais pas clairement fictionnel non plus. L'un est miné par l'autre). Je voulais voir le Malick, mais je n'ai jamais réussi à me décider. C'est un cinéaste emphatique que je n'ai jamais adoré. La dialectique iranienne (Asghar Farhadi) commence à me lasser énormément. Quant au "Sommeil d'or", je ne connaissais pas, mais après vérification c'est peut-être ce docu produit par notre cher Jacky G. sur le cinéma cambodgien. A propos, j'ai vu dernièrement la plupart des courts de Jacky G. qui m'ont un peu dérouté (ils ne lui ressemblent pas).

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  7. En ce qui concerne Arriety, ma fille sera d'accord avec vous.

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  8. Bonjour Noémie Azéma,
    Je publie votre commentaire car il me semble à côté de la plaque. Je n'aime pas les dessins animés pour enfants, en général. Mais j'adore Miyazaki, et certaines productions Ghibli, plus quelques autres dessins animés nippons.
    J'adore Miyazaki car son cinéma est cosmique ou/et panthéiste, ce qu'on ne peut pas dire de beaucoup de cinéastes. Je me fous que ça soit destiné aux enfants. Ça dépasse largement la catégorie ciblée.

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  9. Ce n'était pas une critique, au contraire. Ma fille non plus n'aime pas les dessins animés pour enfants sauf Miyazaki, Le Roi et l'oiseau et Les Maîtres de temps...
    Sinon ça ne me dérange pas d'être à côté de la plaque, c'est un moyen de résister comme un autre.

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  10. Apparemment Miyazaki est aussi très fan du "Roi et l'oiseau" de Grimault. Il lui a emprunté beaucoup de choses qu'il serait trop long de détailler ici. Donc, tout va bien. Tutto va bene. All quiet on the western front.

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