1.12.11

CHIENS

J'ai vu hier Les nouveaux chiens de garde, une adaptation du livre de Serge Halimi sur la collusion entre médias et politique en France. Je n'ai pas lu le livre, mais comme ce documentaire est co-scénarisé (pas écrit) par Halimi himself, je suppose qu'il est conforme au "Urtext" du directeur du Monde diplomatique. Pour ma part ce genre de film me réjouit car j'ai un assez vaste mépris pour les riches, les puissants, les mondains, etc. Voir à quel point des gens comme Alain Minc (mais c'est évident et connu) sont des pantins ridicules et vendus est effarant. Voir comment en trente ans Michel Field a complètement retourné sa veste, passant de l'extrême-gauche limite terroriste à l'animation de meetings UMP ou de galas pour les supermarchés Casino, est édifiant. Ce film n'apprend cependant rien de nouveau par rapport aux premiers films de Pierre Carles, qui dénonçait les mêmes collusions. Disons qu'il le faisait avec plus de mauvais esprit, ce qui était préférable (car comme le dit Pierre Desgraupes dans le doc, les auteurs désagréables sont nécessaires). D'ailleurs je regrette un peu d'avoir parfois émis des réserves sur Carles. S'il est souvent agaçant, il touche quand même assez juste. Cependant il me semble que tous ces combats et toutes ces dénonciations sont limités. En gros on reproche à la presse française de ne pas être indépendante et d'être aux ordres du pouvoir et du patronat. En fait, le problème est ailleurs. Moins les journaux se vendent, plus ils sont dépendants de la pub et des milliardaires qui les rachètent pour en faire leurs "danseuses". Mais il y a d'autres facteurs de non indépendance et de non objectivité de la presse : le copinage et les allégeances politiques diverses. Dans le domaine que je connais le mieux car j'y travaille, la presse dite culturelle, il y a d'autres écueils qui rendent impossible une réelle sincérité (je ne parle pas d'honnêteté qui est un trop grand mot). Outre le copinage précité, outre la pub qui oblige intrinsèquement à mettre en avant les produits dominants (ceux qui ont les moyens de faire de la pub et qui financent indirectement la presse), il y a les contraintes événementielles, selon lesquelles on crie au génie quasiment toute l'année. Ça me fait marrer. Il faut flatter le lecteur, car si vous lui dites que tout est merdique, vous le dégoûterez de consommer et/ou il arrêtera d'acheter votre journal. Pour en revenir à Halimi & co, ils ont certainement raison, mais ils ont tendance à oublier que si la presse est si servile actuellement c'est d'abord parce qu'elle est aux abois. Sans la concurrence des médias électroniques, auxquels on peut ajouter radio et télévision, la presse pourrait continuer à dicter sa loi aux puissants. Car un journal qui se vendrait suffisamment n'aurait pas besoin de publicité. Il pourrait dénoncer les excès de telle ou telle multinationale ou de tel ou tel politique avec une bien plus grande latitude. Bien sûr, il y a encore quelques publications indépendantes, mais leur impact et leur diffusion sont limités. A propos de diffusion, voilà encore un problème. En France, la distribution de la presse est le quasi-monopole de Presstalis, nouveau nom des célèbres NMPP, dont l'actionnaire majoritaire est Hachette, donc le groupe Lagardère, qui possède Hachette. Autrement dit, un titre qui ne conviendrait pas à ce groupe pourrait avoir des problèmes de survie.

4 commentaires:

  1. "Pour en revenir à Halimi & co, ils ont certainement raison, mais ils ont tendance à oublier que si la presse est si servile actuellement c'est d'abord parce qu'elle est aux abois."

    Justement pas (ou pas trop) Le Monde diplomatique.
    Mais si la presse est aux abois, est-ce que ce n'est pas souvent d’abord parce qu'elle a renoncé à son indépendance et son identité ?
    Par exemple Libé ne marchait pas trop mal au début, puis en 81 Libé change pour grossir, se professionnalise, veut gagner du lectorat petit-bourgeois de gauche, ensuite Libé augmente effectivement ses ventes et puis, à force de médiocrité, Libé finit par perdre des centaines de milliers de lecteurs. C'est donc d'abord Libé qui change de ligne éditoriale, renonce à son identité, ouvrant ainsi la porte à Rothschild le jour où ses lecteurs en ont marre de la langue de bois, du pain, des jeux et s'en vont voir ailleurs...
    Bref, quel est le sens de continuer, faire semblant de rien, si l'on n'a plus rien à dire, c'est-à-dire si on répète ce que disent tous les autres et le patron ? Je n’en vois qu’un, de sens, c’est de capitaliser sur une marque.
    Le film expose bien le problème : tous ces « médiacrates » sont des marques et bossent pour des marques. Et pose la bonne question : quand donc la médiocrité de tous ces types sera suffisamment frappante pour que les médias les virent ? Réponse : quand la pression populaire sera suffisamment forte.

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  2. Je pense qu'on est d'accord sur les grandes lignes. Mais croire que ces médiacrates seront virés pour médiocrité est un peu illusoire, puisque les médiocres sont ceux qui ont les commandes. Ensuite la pression populaire, je n'y crois pas. Le peuple fait ce qu'on lui dit de faire. Si Bolloré et autres lui disent de consommer du gratuit très très médiocre, le peuple ne dit pas "non merci, c'est nul". Il consomme ces gratuits. Idem pour tous les médias. Le peuple va voir le film Intouchables et se sent presque rebelle en allant voir ce film, qui est un ramassis de clichés démago, limite beauf/raciste, sous couvert de (fausse) franchise.

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  3. Ah oui, bien d'accord sur Intouchables. Mais sur le peuple, je me garderai de faire des généralités, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.

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  4. Naturellement, on nage dans l'abstraction. Mais qui n'a pas fait des généralités dans sa vie…

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