31.10.11

FUMÉE

La suite sur James Benning et ses 20 cigarettes. Sans doute le travail le plus warholien de ce cinéaste que j'avais repéré il y a une dizaine d'années au festival de Berlin (dont il semble être un habitué). Il applique son minimalisme et son impassibilité à la figure humaine après avoir filmé par exemple des lacs ou des ciels en nombre précis. Pas sûr que la figure humaine soit aussi variée qu'un paysage, mais cette idée de filmer 20 personnes une par une fumant chacune une cigarette entière est hypnotique et nous renvoie à notre position de spectateur. C'est à mon sens encore plus fort que Shirin de Kiarostami où l'on voyait exclusivement les visages des spectatrices d'un film. Pourquoi regardons nous des films ? C'est extrêmement étrange, dans le fond. Pourtant, on ne se poserait pas une telle question à propos de Tintin de Spielberg ou Avatar de Cameron. Mais dans le fond quelle est la différence ? Certains en allant voir 20 cigarettes, même s'ils arrivent à tenir jusqu'au bout, pesteront sans doute en disant qu'ils ont perdu 1h40 de leur vie. Mais la vie n'est-elle pas un passe-temps ? Peu importe ce qu'on en fait, elle passe. On dispose d'un certain crédit, non-défini, au départ, qui finit par s'écouler. La vision d'un film est une activité comme une autre, et regarder un humain fumer une cigarette est certainement bien plus intense que voir des extraterrestres bleus volant sur des oiseaux bariolés. Ce qui me plaît aussi c'est la provocation que cela contient. Non seulement la cigarette donne une gestuelle particulière à quelqu'un qui autrement demeurerait immobile comme une bûche, mais c'est un acte stigmatisé par le politiquement correct, au nom de la santé et du bien être. La cigarette est sale et pernicieuse. Pourtant je ne peux même pas imaginer Humphrey Bogart sans une cigarette. Ce serait carrément obscène et/ou ridicule. 20 cigarettes nous rappelle donc aussi ce que nous avons perdu en bannissant cette habitude néfaste (je fais hélas partie de ces politiquement corrects). Evidemment ce n'est pas le sujet de 20 cigarettes. Le sujet c'est : qu'est-ce que le cinéma ? qu'est-ce que l'homme ? En gros, rien que ça ! Lol. Evidemment je ne vais pas me lancer dans une dissertation, mais s'il y a un film qui m'a stimulé récemment c'est bien celui-là. D'une certaine manière, Benning a trouvé une belle solution pour une idée que j'avais vaguement esquissée, et que je n'avais pas (encore) mise en œuvre, à part un ou deux essais : le portrait filmé…

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