17.10.11

VIEUX

Quand je suis entré dans la salle j'ai eu l'impression d'entrer dans un mouroir. Une ancienne rédac chef ciné de Télérama racontait à une dame comment elle s'était cassé une vertèbre en mettant son pyjama. Laquelle dame lui rétorquait qu'elle, elle s'en était déjà démis une en se brossant les dents. Puis le film a commencé : Le Havre de Aki Kaurismaki. Ballet de R16 et de 403, Bessie Smith et airs d'accordéon, cireur de chaussures mélancolique. Moyenne d'âge du casting : 62 ans. Tout ça m'a semblé tellement raccord ; un splendide camaïeu de cheveux gris et blancs. Cerise sur le gâteux : l'apparition de Little Bob, le légendaire rocker lilliputien du Havre — en passant il est meilleur que Johnny H. dans le genre —, qui lui aussi a subi l'outrage des ans (sa voix ne s'en ressent pas et se bonifie). Ça fout vraiment le blues, toute cette vieillesse et cette décrépitude, cette nostalgie rétro de Kaurismaki pour un monde croupi et figé dans le formol. Evidemment le cinéaste oppose à ce monde presque englouti la vitalité d'un sans-papiers africain d'une quinzaine d'années (enfin, vitalité, c'est vite dit). Pour ma part, cela m'a semblé un alibi politiquement correct. Je ne parle pas du film en soi, poussif, pour ne pas dire asthmatique. Il y a là comme un symptôme de fin d'un monde… (d'après certains observateurs politiquement corrects il ferait un parallèle entre régime de Vichy et régime actuel).
Finalement, le bon Kaurismaki de l'année, c'est La Fée, de Abel, Gordon et Romy. C'est aussi tourné au Havre, il y a aussi des sans-papiers, l'esthétique est kaurismakienne, mais c'est plein de verve et de folie. Kaurismaki, lui, est ensuqué par l'alcool. Il ne bouge presque plus.

3 commentaires:

  1. Dominique Coquard20 octobre 2011 à 17:59

    l'adjectif "asthmatique" m'a vraiment fait rire. Proust, qui était asthmatique, dictait des phrases interminables...

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  2. dominique coquard21 octobre 2011 à 15:10

    Oui, comment faisait-il ? C'est un mystère. Parce que pour les lire, ces phrases, il faut s'accrocher. Une vraie course d'endurance...
    Jamais réussi sauf dans le train : Paris-Napoli etc... jusqu'en Calabre, entre les valises et les volatiles en cage. Rien d'autre à faire.

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