23.4.11

MÉTADOCUMENTAIRE

J'y reviendrai en plusieurs fois, I guess, au documentaire, catégorie qui me travaille actuellement et qui est la plus mal traitée (par ses auteurs et ses commentateurs) actuellement au cinéma. Sans parler de l'aberration consistant à sortir d'infâmes reportages et magazines de société en salle et de laisser inédits de vrais chefs d'œuvre.
Bref, pour revenir à cette idée de méta-documentaire, elle n'est pas nouvelle en fait, mais il me semble qu'elle prend de l'ampleur… Ce sont des films où l'on ne traite pas un sujet unique, ou du moins où on peut traiter un sujet unique, mais relativement abstrait, et où l'on multiplie les points de vue et les angles sur ce sujet, à travers différents segments en apparence décousus et disparates. Il y a déjà eu des documentaires de ce genre comme ceux d'Erwin Wagenhofer, qui a décortiqué certains rouages de la nouvelle économie avec un relatif talent. Mais ce n'étaient en fait que de très bons magazines de reportage comme la télé devrait en faire. Le méta-documentaire dont je parle c'est autre chose. Il était déjà en germe dans des films comme le philosophique La fabrique de l'homme occidental de Caillat, Legendre et Bardet ; ou bien dans Gambling, gods and LSD de Mettler, un long poème visuel brassant toutes sortes de thèmes et paysages. Mais voici deux nouveaux exemples : Abendland de Nikolaus Geyrhalter, auteur de Pripyat et Notre pain quotidien, qui sort du mono-sujet pour juxtaposer toutes sortes de séquences (allant de La Fête de la bière à Munich à des patrouilles le long de la côte du sud de l'Espagne, en passant par une rave de militants anti-nucléaires) dont le but, selon lui, est de décrire la façon dont l'Occident s'enferme dans son confort et se barricade contre le reste du monde ; et ensuite Mercedez Alvarez qui après son très beau Le ciel tourne s'est elle aussi colleté à un film conceptuel, Mercado de futuros. Son idée c'est que la mémoire se perd au fur et à mesure que le monde actuel devient virtuel et spéculateur. Pour cela elle montre principalement (mais pas seulement) le marché aux puces de Barcelone où tous les souvenirs, précieux ou non, sont bradés, piétinés, enfouis, et un salon de l'immobilier triomphant où n'importe qui vend à n'importe qui des tranches d'immobilier n'importe où (Budapest, Costa brava, Dubaï), qui deviennent des investissements virtuels. Le côté tatiesque, les trompe-l'œil du film (grandes photos de résidences paradisiaques en toc) sont charmants, mais dans le fond ça me laisse froid. Toutes ces démonstrations intelligentes qui veulent nous dire quelque chose sur notre société ne m'intéressent guère. Car le métadocumentaire n'est qu'un support sociologique comme un autre, où ce qui compte c'est le concept, pas ce qu'on montre. Exemple : ces séquences interminables sur des boursiers qui spéculent sur l'argent. Zzzzz. Franchement je peux trouver ça drôle 5 minutes, mais ça me lasse très vite. Donc, le métadocumentaire utile, je dis non. Celui qui a une visée, une teneur, une saveur plus onirique, en revanche, comme Gambling, gods and LSD, je dis oui, oui, oui. Mais je n'en vois pas venir. Le plus sûr et le plus clair c'est que je vais devoir m'occuper moi-même de réaliser ces documentaires planants et poétiques que j'aimerais tant voir et qui n'apparaissent que très rarement (un tous les cinq ans en moyenne).
P.S. Fred Kelemen ne remercie pas Nikolaus Geyrhalter de lui avoir piqué son titre Abendland

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