2.3.12

STÉPHANE DROUOT (SUITE)

J'ai connu Stéphane en 1984 me semble-t-il, au Club 13 lors d'une projection du film Atomic Café, qui était suivie de celle de Star Suburb. A cette époque là on proposait encore des courts métrages en première partie des longs au cinéma. Et Star Suburb avait été couplé avec Atomic Café, un documentaire américain sur la psychose de la bombe atomique. Bonne initiative. J'ai été scotché par le film de Stéphane. Moins par le scénario, assez simple, que par le style et la réalisation du film. L'ambiance tout bêtement. C'était comme une synthèse entre Eraserhead et Star Wars (film de Lucas auquel Stéphane se référait ouvertement). A l'époque, je commençais à écrire aux Cahiers du cinéma. J'ai alors proposé aux Cahiers d'interviewer Stéphane. Ce que j'ai fait (curieusement il y a eu une autre interview de Stéphane dans les Cahiers, par Jean-Pierre Limosin). Je l'ai rencontré chez lui, rue Bernouilli dans le VIIIe arrondissement, dans l'appartement où il vivait et où il avait réalisé Star Suburb pendant trois ans. Des éléments de décor y subsistaient un peu partout. Avec lui, il y avait Sophie, sa compagne, qui avait été l'élément moteur de ce film (Stéphane étant le cerveau). Ils avaient trouvé l'alliance parfaite qui avait permis de mener l'entreprise à bien. Sophie avait, me semble-t-il les cheveux bleus coupés en brosse. Elle était aussi sympathique et chaleureuse que Stéphane. Entre nous trois, il y a tout de suite eu une connivence. Stéphane est un des rares cinéastes que j'ai rencontrés pour une interview et avec lequel j'ai réellement sympathisé. Peut-être le seul. Nous nous sommes vus à de multiples reprises, je ne me souviens plus à quelles occasions, pendant quelques années. Mais ça n'a pas duré. Environ trois ans, je dirais. A l'époque Stéphane était au sommet. Son film cumulait les prix. César, Grand prix de Clermont Ferrand, etc. Il ne lui a manqué que l'Oscar. Il avait toutes sortes de propositions : pubs, clips, et long. Il a d'ailleurs écrit plusieurs longs métrages, surtout fantastiques, qui allaient bien plus loin que Star Suburb, et qui étaient plutôt dérangeants. Mais réaliser un film fantastique/SF en France n'est pas gagné. Toujours pas aujourd'hui. En dehors de Luc Besson, qui a tourné en anglais et Marc Caro qui s'est planté avec un film trop théâtral (Dante O1), il y a eu peu d'autres candidats français. Mais Stéphane était bien plus fou qu'eux. Aussi doué techniquement que Besson, mais mille fois plus inventif et visionnaire. Il s'est aussi pas mal inspiré d'un écrivain de SF français, Serge Brussolo (passé ensuite au polar), qu'il m'a fait connaître, et dont je ne comprends pas qu'il n'ait pas été adapté au cinéma. Bref, tout cela s'est étiré en longueur. Il y a eu aussi la mort du producteur de Star Suburb, Ulysse Laugier, qui a pas mal choqué Stéphane. Et puis, Sophie a quitté Stéphane pour voler de ses propres ailes. Il faut dire que Stéphane n'était pas facile non plus. Il vivait comme un enfant gâté. Bref, il s'est retrouvé seul, avec mille projets, mais avec l'impossibilité de trouver des interlocuteurs (financiers) à sa mesure. Je ne l'ai pas perdu de vue volontairement. Ça s'est fait comme ça. Quelques années après, il m'a appelé. Il vivait toujours rue Bernouilli, dans l'appartement assez à l'abandon. Je me souviens d'une fois mémorable où j'étais allé le voir avec ma compagne et mon bébé. Le bébé dormait dans un couffin dans le couloir. Une espèce d'énergumène (un dealer ?) était venu rendre visite à Stéphane. Ils fumaient un joint. Au même moment, la mère de Stéphane, que je n'avais jamais rencontrée, une petite femme mince d'une autre époque (elle me rappelait ma grand-mère), apportait du thé sur un plateau, dans un service très vieillot. L'ambiance était surréelle. Peu de temps après, Stéphane a déménagé. Je l'ai aidé à préparer les cartons. Il s'est retrouvé à Levallois, dans un appartement encore plus grand qui appartenait à sa mère. Et Stéphane a continué sa vie, là, entre alcool, cigarettes, médicaments, et autres, écrivant des histoires, jouant du piano (il en jouait très bien). Tout s'est délité. Il a commencé une sorte de roman interminable, dans son style relativement abscons. Il s'est dégradé à vue d'œil. Il y a eu trop de complications. J'ai tenté d'aider Stéphane, mais involontairement il embrouillait les choses. Sa mère qui habitait dans un autre appartement avait été placée dans une maison de repos. A partir de là, tout me semble assez flou. Stéphane a fait divers séjours dans des HP. J'ai été le voir une fois dans un de ces hôpitaux avec les cinéastes Lucile Hadzihalilovic et Guillaume Bréaud. On voulait tous l'aider. Il lui est arrivé des choses de plus en plus incohérentes. Et j'ai à nouveau perdu le contact. Jusqu'à ce qu'il m'écrive en 2008. Il habitait alors à Ecouen. Mais sa lettre étant très bizarre, je n'ai pas eu le courage de lui répondre. J'aurais dû néanmoins. J'aurais dû… Tout ce que je viens d'écrire est assez superficiel et rapide. Il aurait fallu que j'explique plus et mieux qui était Stéphane. Disons que c'est un premier jalon pour un portrait de ce personnage qui était charmant et désarmant.

2 commentaires:

  1. A propos de Johanna B. : visiblement, un scénario fut déposé au CNC par Stéphane Drouot en 1980, l'histoire d'amour "entre une petite fille, une TV, une langoustine en sursis". Visiblement STAR SUBURB a été conçu dans la foulée, comme une variation sur ce premier scénario ..
    (cette info vient d'une interview de Drouot paru dans un magazine en 1984)

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